Le Gévaudan de la Bête par Bruno Jaudon Docteur es Histoire
Publié le 30 Mars 2018
L’auteur de cette conférence nous promène du Gévaudan à la Margeride dans une histoire sociale, culturelle et économique.
Pays de moyennes montagnes, à l’habitat dispersé et aux frontières invisibles (pas de clôtures, sinon celles des hommes et de leurs connaissances territoriales), ces terres sont aussi celles des loups dont la population est estimée de 5 à 6000 dans toute la France.
Le loup et l’homme cohabitent dans cette campagne au climat rude. Si l’homme est sédentaire, le loup peut parcourir d’immenses territoires et inéluctablement ils ne peuvent que se croiser.
En ce XVIIIè siècle, l’élevage de bovins et ovins, ainsi que des cultures telles que blé, sarrasin et lentilles apportent quelques richesses à leurs producteurs. La fabrication et la vente de fromages commencent à se développer au-delà du simple cercle familial.
Même si ces produits ne développent pas de richesse individuelle (90 % des paysans possèdent des lopins de terre de moins de 10 hectares), les journaliers (ceux qui louent leur bras à la journée) sont pléthores et le travail des enfants fait partie intégrante de la société. Ils rendent de menus services et sont souvent gardiens (vachers ou pâtres) pouvant devenir une proie pour le loup qui préférera s’en prendre à un enfant plutôt qu’à un adulte.
La société divisée en trois ordres - la noblesse, le clergé et les autres - s’organise autour des lieux de vie, principalement le village.
La Margeride de cette période n’échappe pas à la religiosité qui est omniprésente : lieux de culte nombreux, processions régulières et objets de piétés personnels. Les superstitions continuent de perdurer.
Les lettrés désertent ces lieux. Le modèle de société de la fin du XVIIIème siècle est à bout de souffle dans une France dirigée par un roi faible, Louis XV. Il est aux prises avec un parlement retord et une presse hargneuse.
En 1764, la France est en paix. Le traité de Paris à mis fin à la guerre de sept ans. La presse qui assurait de gros tirages sur l’événement se retrouve à cours de nouvelles. Il lui faut trouver une histoire qui puisse tenir le lecteur en haleine. La Bête en sera son principal sujet.
Le colportage et les images imprimées auront le résultat que l’on connaît sur cette population peu lettrée. Devenant caisse de résonance, ces informations catalysent les peurs populaires. Quand l’évêque de Mende publie son mandement à lire dans toutes les paroisses :
... « c’est parce que vous avez offensé Dieu que la bête attaque... » Il assène le coup final qui entraîne la population dans une lecture irrationnelle des faits, réactivant les croyances anciennes :
le loup, c’est la Bête, c’est le diable…. Et c’est vrai, puisque l’évêque l’a écrit !
L’illettrisme y est fort présent et le siècle des Lumières a autant de retard que dans d’autres régions de France. L’histoire de la Bête montre la différence entre culture urbaine et culture rurale, entre la classe éduquée et le Tiers-Etat. Cette différence apporte un éclairage sur la vision du monde de la fin du XVIIIè siècle, où la classe politique et religieuse souhaitait surtout conserver sa position sociale.
Cette conférence a été suivie par près de 90 personnes, ce qui montre l'intérêt porté pour cette l'histoire, bien présente en notre mémoire.