La conférence "Imprimeurs, éditeurs et écrivains pendant la résistance"
Publié le 19 Mars 2018
La conférence « imprimeurs, éditeurs et écrivains pendant la résistance » présentée par Jean-Pierre Desenne, professeur honoraire et agrégé de Lettres, nous aura fait parcourir ce long chemin des souffrances humaines pour atteindre la Liberté.
L’offensive du 10 mai 1940, appelée aussi bataille de France, met à genoux : les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France. En quelques semaines, le pays s’écroule, le maréchal Pétain prend le pouvoir et entame la collaboration avec l’Allemagne. Les conditions de l’Armistice, outre de priver la France de sa puissance militaire, permettront d’installer la censure et la désinformation dans tout le territoire.
Le contrôle nazi passe par l’interdiction de certains auteurs tels que Thomas Mann, Joseph Kessel…
La presse est censurée également. Les journaux doivent, avant tout, prôner la révolution Nationale de Pétain, faire l’éloge du cléricalisme et du traditionalisme, combattre le communisme, de Gaulle et bien-sûr dénigrer les juifs. Rappelons que l’objectif de la censure était de contrôler la pensée du peuple français.
En 1942, l’occupation de la zone Sud, s’accompagne d’une politique agressive et répressive qui incitera certains résistants à faire paraître de nombreux journaux clandestins tels que Combat, Libération et Défense de la France...
Cette résistance à l’occupant se développe dans des groupes informels, souvent autour d’une personnalité qui fédère autour d’elle. Tous n’écoutent que leur courage et s’engager en résistance devient un choix ou une échappatoire, s’il s’agit de rejoindre le STO.
Les historiens s’accordent à dire que 200 000 français ont participé à la résistance, 400 000 pour ceux qui ont produit des actes de soutien (transport, ravitaillement…) et ce sont quelques 266 réseaux de résistance qui se créeront entre 1940 et 1942.
Dès le 21 septembre 1941, Raymond Burgard et ses amis, à Paris, impriment un journal qui prendra le nom de Valmy (en référence à la bataille du même nom, où les français repousseront les prussiens en 1792) Particularité de ce journal, il sera imprimé avec des tampons et une imprimerie d’enfant. Il leur faudra un mois pour imprimer 50 exemplaires, sur une simple feuille recto-verso.
D’autres titres fleuriront dans toute la France ; Résistance, mis en place au musée de l’homme dès 1940 ; Combat, né en 1941 et qui deviendra le quotidien de Paris en 1974 ; Le Franc-tireur, verra le jour à Lyon dès 1940…
Cette presse clandestine se développe et donne une information différente de celle de la propagande nazi. Malgré les difficultés d’approvisionnement en papier et le manque de matériel, les tirages augmentent régulièrement, ainsi Combat, de 40 000 exemplaires en 1942 passera à 250 000 en 1944.
A partir de 1943, toutes éditions confondues, ce sont 2 000 000 d’exemplaires tirés et distribués dans toute la France par mois. Il existe au moins un titre par département.
(Infos supplémentaires au musée de champigny-sur-Marne https://www.musee-resistance.com/)
L’édition et la diffusion d’une telle presse mettaient en danger leurs auteurs. Pour les résistants, le risque est énorme et beaucoup le paieront de leur vie.
Les intellectuels quand à eux s’organisent sous la direction de Pierre Seghers poète et éditeur. Il a entendu l’appel du général de Gaulle, mais prend la décision de résister de l’intérieur, avec ses armes, la poésie. Il met en place la revue Poésie rassemblant ceux qui veulent maintenir l’espérance.
Son astuce consiste à continuer de publier des textes soumis à la censure allemande tout en en publiant d’autres avec de faux visa de censure. « Face à la langue de détention qu’impose l’occupant, les poètes inventeront une langue d’évasion »
Il se rapproche d’Aragon, insurgé, surréaliste et novateur en écriture qui met sa création au service de la résistance et publie tous les ans un recueil. Il s’efforcera de créer un mythe, celui de la France qui doit se libérer de ses chaînes de l’occupation.
Pierre Seghers contacte Paul Eluard en 1942 qui publiera ce sublime poème qu’est Liberté. Ce texte imprimé par les anglais sera parachuté sur la France. Après un séjour clandestin à Saint-Alban en Lozère , Paul Eluard passera par l’imprimerie de René Amarger, à Saint-Flour pour imprimer, les sept poèmes d’amour en guerre et le musée Grévin (exemplaires originaux au musée de la Haute-Auvergne)
Avec Aragon, Eluard et Sadoul, il fonde la Revue Française, publiant des œuvres littéraires (Maupassant, Hugo…) des textes d’auteurs incitant à la réflexion. Avec ces publications régulières, la Revue Française développe souterrainement l’esprit de résistance.
D’autres poètes participeront au mouvement de résistance, Pierre Siméon, Gabriel Péri, René Char, Robert Desnos, Pierre Emmanuel, Edith Thomas, Marianne Cohn, Jean Cassou et bien d’autres encore.
La poésie devient la création la plus radicale de l’être humain. D’une richesse extraordinaire, elle fait souffler l’esprit de résistance. Sa plus grande force a été d’avoir donné la parole à tous, poètes connus ou inconnus et dans une égale importance.
Résumer une conférence de deux heures d’un tel niveau documentaire et d’analyse n’est guère possible. Ce que vous lisez n’en est qu’une synthèse bien trop rapide et je vous prie de bien vouloir être indulgent. Pour plus d’information sur cette période, je vous invite à venir aux archives municipales de Saint-Flour (qui possède une collection complète de journaux et de documents locaux) de consulter le Net qui regorge de pages informatives (privilégiez les documents muséaux ou Gallica)
M. Desenne nous a permis de nous replonger dans cette histoire, notre histoire commune. Sa conférence a rencontré un fort succès avec une quarantaine de personnes à Anterrieux et environ 90 personnes à Saint-Flour.
LA SAMHA (Société des Amis du Musée de la Haute-Auvergne) en collaboration avec le PAH (Pays d’Art et Histoire) et le MHA (musée de la Haute-Auvergne) remercie chaleureusement le public venu écouter ces deux conférences.
Les photographies : La visite du musée d'Anterrieux et l'histoire du maquis Revanche présenté par Jean FAVIER La conférence à Saint-Flour par Jean-Pierre DESENNE |