Compte-rendu de la conférence : Les trésors mérovingiens en Auvergne
Publié le 20 Janvier 2018
La conférence s’est ordonnée en deux parties, l’une historique, l’autre axée sur les deux pièces majeures découvertes en Auvergne.
Historiquement, vers le IVè siècle, l’empire romain subit les invasions des Huns puis celle des Goths. En Gaule, après les Alamans et les Burgondes, ce sont les Francs qui s’installent. De Childéric au dernier mérovingien (751) se déroulent trois siècles, première période du moyen-âge.
L’Auvergne fait partie du 1er au IVè siècle du royaume d’Aquitaine puis en 474 est rattachée à l’empire Wisigoth. Ces derniers battus par Clovis à la bataille de Vouillé se regroupent en Espagne.
Le christianisme conquiert lentement le royaume, hissant au pouvoir des rois et des évêques. Ces derniers reprennent la structure administrative des anciennes provinces romaines. Le christianisme devient le coeur de la création artistique.
La croix et le visage du Christ sont omniprésents.
L’Art mérovingien a fait l’objet d’une réévaluation, le sortant de ces appellations péjoratives qui sont « Art barbare », « Art des âges obscurs » ou encore « Art primitif » Nourris d’une recherche sophistiquée, les chercheurs contemporains posent des jalons pour une meilleure compréhension des œuvres.
C’est dans la forme, les motifs et les origines qu’ils apportent leurs explications. Par une confrontation permanente entre spécialistes de disciplines différentes, ces chercheurs contribuent à renouveler les analyses et nous permettent de mieux comprendre les objets.
Le disque de Limons
Oeuvre majeure et emblématique de l’art mérovingien, le disque de Limons (trouvé à Limons, Puy de Dôme, entre Vichy et Thiers, au lieu dit du Pont de Ries, situé au confluent de la Dore et de l’Allier)
Ce disque en or, ajouré et de forme ronde allie dans une infinie richesse, des motifs géométriques et zoomorphiques issues de la tradition celtique.
C’est une représentation christique frontale et rayonnante. Masque humain au front ridé, barbu avec des yeux sertis en amandes serti de grenats, un nez droit et une bouche béante (cercle central) le contour est incrusté par alternance de deux losanges et d’un grenat du Portugal (deuxième cercle) se terminant par six rayons séparés par un vide (cercle extérieur)
Dans ces rayons s’inscrivent des éléments de styles animaliers : amphisbène ou un serpent à deux tête (païens)
Ce disque appelé chrisme est un symbole chrétien datant du christianisme primitif. Celui ci est constitué des deux lettres grecques : X (chi) et P (rhô) qui sont les deux premières lettres du mot Χριστός (Christ).
Le chrisme constitue l'un des monogrammes du Christ, et on le trouve souvent accompagné des lettres α (alpha) et ω (oméga). Elles symbolisent la totalité : le commencement et la fin.
Le chrisme était surtout présent en Orient, plus spécifiquement dans la partie orientale de l'ancien Empire romain. Comme le disque de Limons, il prend également l’aspect d’une étoile à six branches identifié comme l’étoile qui guida les mages.
L’or, matériau de la lumière et les grenats incrustés font de cet objet le signe chrétien par excellence. L’artiste devait-être un érudit en composant ce disque avec des animaux honnis et dangereux de la Création (serpents et sangliers)
Il reprenait, par cet ouvrage, un commentaire de Saint-Augustin sur la genèse expliquant que malgré le danger de ces animaux, ils n’en faisaient pas moins partie de la Création.
Il reste beaucoup de mystère autour du disque de Limons. Sa qualité, son style n’a aucune correspondance, il reste une œuvre unique, vient-il d’Auvergne ?
D'un diamètre de 6,3 cm et d'un poids de 39 g, son utilité reste incertaine (fibule? attache de sac?)
Sa présentation par Mme Inès Villela-Petit nous a nourris d’une admiration ineffable.
Le Christ triomphant du Broc
C’est une plaque de terre cuite découverte en 1830 au lieu du Broc (puy de dôme) d’une hauteur de 42 cm sur 27,5 cm de large, cette plaque recouvrait avec d’autres (une vingtaine) un tombeau.
Surnommée plaque du Christ triomphant, elle figure un Christ armé (diadème sur la tête, croix au front, chaîne en collier, vêtu d'une tunique, bottes et pèlerine) foulant aux pieds un aspic.
Ce Christ porte sur son front une croix monogrammatique (ou chrisme) encadrée de l’alpha et l’oméga, il emprunte aux représentations impériales le globe, la lance à crochets et foule aux pieds le serpent (symbole du mal) selon les paroles du Psaume de la Bible : « Tu fouleras l’aspic et le basilic, tu écraseras le lion et le dragon ». On peut voir également les trois têtes de lion sur la plaque.
Étonnamment, ce Christ possède des attributs sexuels qui dans la symbolique païenne sont considérés comme dotés de vertu protectrice.
Autre curiosité, les oreilles ou lobes qui encadrent le front. Elles renvoient à une représentation païenne, une divinité majeure de la mythologie celtique : Lug ou Lugus, avec comme emblème la lance.
Jules César dans ses commentaires sur la guerre des Gaules tente de l’assimiler au dieu latin Mercure, en écrivant : « Le dieu qu’ils honorent le plus est Mercure » Pour tous, il est le Dieu qui indique la route à suivre et guide le voyageur. Le Lugus gaulois est un dieu magique lié avec des chaînes. On sait que le culte du dieu Lugus perdurera pour se transformer en celui de Saint-Léonard représenté tenant des chaînes
Pour la plaque du broc, avec des chaînes au dessus de la tête du Christ, autour du cou et autour du globe, une hypothèse est avancée par notre conférencière. Les écrits et les hymnes religieux parlent du Christ brisant les chaînes de l’enfer. Ici, la symbolique fait sens par l’utilité de cette plaque de tombeau. Le mort se place sous la protection du Christ avec ces accumulations de symboles pour être sauvé dans son au-delà (la lance = l’infaillibilité, les chaînes = elles seront brisées, le globe = la lumière du Dieu Lugus)
Enfin pour finir, il existe une iconographie d’un Christ guerrier à Ravenne (Palais épiscopal)
Il porte sa croix comme une arme et écrase le serpent et le lion.
Les adhérents et le public présents ont apprécié cette conférence tant par la richesse de la documentation que par les précisions de Mme Inès Villela-Petit.